Mythes et démythifications
De même que l’identité grecque antique a pris
naissance dans le récit mythique de la guerre de Troie, de même il a fallu,
pour les nations européennes, construire ses propres mythes, notamment pour
justifier la colonisation. Chez Simon, la désignation de « l’ogre »
pour parler de Napoléon revient de manière récurrente[2] : c’est une façon à
la fois de mettre à distance le mythe napoléonien par la dérision, au sens où
celui-ci n’est désigné que par cette appellation disgracieuse, et de
démystifier ceux qui y adhèrent, en faisant de la vénération de l’épopée
napoléonienne une sorte de superstition, comme on pourrait croire aux créatures
fantastiques tel l’ogre. Chez Lobo Antunes, l’attaque est plus frontale, et
concerne surtout la soi-disant essence de voyageur et de colonisateur des
Portugais : « évidemment nous sommes, et avec quelle fierté
orgueilleuse, les descendants légitimes des Magellan, des Cabral et des Vasco
de Gama » (p.119). On voit comment le narrateur se détache de l’héritage,
construit a posteriori à partir de
ces figures mythiques pour justifier la nature exploratrice de l’Etat
portugais, et, par extension, de la colonisation, par l’usage de l’article
défini, et ce au pluriel, qui met à distance le personnage historique et
empêche l’identification. On retrouve quelque chose de similaire dans le long
discours introducteur du narrateur premier sur la Tamise, et son courant, qui
« avait connu et servi tous les hommes dont la nation est fière, du
chevalier Francis Drake au chevalier John Franklin » (p.25). Sous une
apparente adhésion à ce discours, Conrad s’en détache par la force signifiante
de ces noms, désignant des corsaires qui, malgré des services rendus à la
Couronne, sont des figures très controversées de l’expansionnisme anglais, et
la glorification par la mention du titre de chevalier contient l’ironie
implicite du passage, en ce qu’elles désignent des bandits, sans noblesse.
Encore une fois, c’est une façon pour Conrad de remettre en cause
subrepticement les principes qui ont construit l’Empire colonial Anglais, ainsi
que toute l’entreprise coloniale européenne, et ce, par la déconstruction d’une
historiographie mythique, idéologique et faussement légitime.
L’exemple le plus flagrant de la contamination de la réalité par le mythe est la réflexion sur la mort du père. Si elle entre dans la thématique du theatro mundi, elle est aussi un exemple du fonctionnement du mythe, qui permet de dépasser la contingence de la mort, et répond au « besoin de transcender les événements auxquels ils avaient plus ou moins directement participé […] dans le seul but inconscient de les rendre conformes à des modèles préétablis) » (p.320)[3]. La vision d’un individu peut également être modifiée par des constructions mythiques ; ainsi, la mère du brigadier, lors du séjour, se croit « transportée dans un primitif
Eden, un primitif état de nature » (p.141). Simon nous montre ici comment
plusieurs strates de mythes déforment le regard de la mère vers des dérives
racistes[4] : se confondent le
mythe biblique de la Genèse, le mythe rousseauiste de l’état de nature ainsi
que toutes les représentations soi-disant ethnologiques sur les peuples des
pays colonisés. À ce propos, le narrateur du Cul de Judas n’échappe pas totalement à ce type de considérations,
lorsqu’il évoque
[…] la tranquillité immémoriale des noirs, pour qui le
temps, la distance et la vie ont une profondeur et une signification impossible
à expliquer à qui est né entre des tombeaux d’infantes et des réveille-matin,
aiguillonné par des dates de batailles, des monastères et des horloges
pointeuses (p.48)
Même si ce passage se veut à la gloire du peuple
angolais, le fait de placer ce dernier dans une vision du temps qui serait
non-dialectique (« immémoriale ») et dans une sorte d’immanence
(« une profondeur et une signification impossible à expliquer ») face
à la dialectique de l’Histoire européenne, marquée par la mesure du temps et
des dates déterminantes, revient à sortir le peuple angolais de l’Histoire, et
à l’installer dans une sorte de primitivité perpétuelle[5]. Dans un autre ordre
d’idée, mais avec le même effet, c’est la vision biaisée des mouvements
salazaristes quant à la réalité des envoyés en Angola qui illustre la
perniciosité du mythe, ici celui du héros idéalisé : toutes les
organisations affiliées au régime « pensent à nous », notamment la
Jeunesse Portugaise qui « pensent à nous en préparant tendrement les héros
qui nous remplaceront » (p.84).
Plus que mettre en lumière la nature des mythes afin de
les exorciser, l’écriture va également les attaquer de front. Dans L’Acacia¸ cela passe par le
rétrécissement qui déclasse l’image mythique. De fait, le récit met en regard
deux images : la statue énorme du général Kellermann située au milieu du
plateau de Valmy, où a lieu la cérémonie de décoration du régiment du
père : « le soldat de bronze continuait à élever vers le ciel son
épée […] poussant son cri de bronze, figé […] dans une attitude d’élan,
d’enthousiasme et d’immortalité » (p.58), image glorieuse, épique, sublimée
notamment par le rythme ternaire finale avec une gradation méliorative,
finissant sur l’immortalité. Mais cette image est a posteriori dégradée par celle d’un cavalier en pleine chute,
« comme un de ces cavaliers de plomb dont la base, les jambes,
commenceraient à fondre » (p.298). Le rétrécissement de l’image glorieuse
du cavalier ainsi que la comparaison avec un jouet opèrent la démythification
de la représentation épique du cavalier se dressant sur sa monture. En outre,
la comparaison avec un soldat de plomb permet de relativiser également l’image
du « soldat de bronze », et pousse à réinterpréter la description a priori triomphale de ce dernier comme
une pointe ironique. Chez Lobo Antunes, le contraste est aussi une arme
littéraire pour démythifier la réalité, et surtout celle d’Angola, qui diffère
des descriptions élogieuses tirées de son éducation :
[…] l’idée d’une Afrique portugaise dont me parlaient, en
images majestueuses, les livres d’Histoire du Lycée, les harangues des
politiciens et le chapelain de Mafra, n’était finalement pas autre chose qu’une
espèce de décor de province pourrissant dans l’étendue démesurée de
l’espace (p.132)
On retrouve d’abord la critique de la cible
prioritaire du narrateur du Cul de Judas¸
à savoir la mise en place d’une propagande cohérente entre les diverses
autorités publiques, intellectuelles (« les livres d’Histoire »),
religieuses (« le chapelain de Mafra ») et politiques (« les
harangues des politiciens ») ; mais celle-ci est contrecarrée par
l’opposition entre le registre mélioratif et péjoratif, entre les « images
majestueuses » et « l’espèce de décor de province pourrissant »,
qui opère une forte dégradation du mythe premier.
Parmi les constructions mythiques du régime
salazariste, le narrateur prend également pour cible celle de la guerre comme
seul moyen pour un homme de prouver sa virilité, par le biais d’une violente
attaque contre Salazar lui-même : « Cher docteur Salazar si vous
étiez vivant et ici je vous enfilerais une grenade dégoupillée dans le
cul » (p.121). On assiste ici à un retournement des valeurs salazaristes
puisqu’il s’agit d’utiliser l’homosexualité contre ceux qui la diabolisent, combattre
Salazar par ses propres mythes (sans y adhérer pour autant), ainsi qu’un moyen
d’exprimer la colère vis-à-vis de ceux qui prêchent la guerre sans jamais y
participer[6]. De même, Simon compare
l’Histoire à une « vieille ogresse », comme une réponse à Napoléon
désigné comme « l’ogre », qui digère les morts puis les expulse par
« son anus ridé » (p.236) : comme pour Lobo Antunes, l’Histoire,
et donc par conséquent la guerre, est vidée des mythes héroïques
essentiellement masculins, et dégradée par une personnification avilissante et
tournée vers le bas-corporel.
L’ironie, qui est la mise à distance par le locuteur de
son propre discours, est un autre moyen de renverser le mythe, à la fois pour
soi-même et pour le lecteur, qui est pris au piège s’il adhérait au discours
visé. Ainsi, le narrateur du Cul de Judas,
à la fin du chapitre E, développe une prolepse fictive sur lui-même, où il
deviendrait « la digne statue en bronze du mari et du fils idéaux »,
entraîne le lecteur avec lui dans ce long passage ironique, et qui prend toute
sa force à la dernière phrase : « je serais montré en exemple à des
petits-enfants indifférents qui considéreraient avec ennui la morne absurdité
de mon existence » (p.59). Même si cela était pressenti, le narrateur révèle le
caractère ironique et donc la critique des représentations familiales et
nationales du bon citoyen, auxquelles il prétend adhérer pour mieux les
détruire. L’ironie est également très présente chez Conrad comme arme pour
déjouer les mythes qui accompagnent la colonisation, particulièrement celui de
la civilisation des peuples. Pendant son entretien avec sa tante, Marlow
comprend son rôle : « Je découvris que j’étais aussi l’un des
Bâtisseurs, avec un B majuscule, figurez-vous » (p.61). Conrad ridiculise
ici l’idéologie colonialiste, qui prétend participer de la construction d’une
nouvelle humanité dans les territoires colonisés, ici par l’insistance sur la
majuscule qui montre la caricature que constitue cette image du
« Bâtisseur », ainsi que la prise à parti connivente de
l’auditoire ; l’ironie fonctionne ici par mention. Ailleurs, c’est
l’adhésion d’un indigène à l’idéologie coloniale qui est l’objet des railleries
de Marlow : « Il parut m’associer à son exaltante mission »
(p.77), l’ironie fonctionnant par antiphrase sur l’expression « exaltante
mission ». L’ironie par le biais de la litote est également utilisée par
Marlow pour attaquer l’idée de progrès, lorsqu’il raconte sa découverte du
squelette de son prédécesseur au Congo dans un village désert. Il se demande
alors où sont les poules : « Je croirais volontiers que la cause du
progrès ne les a pas ratées » (p.49). Le dévoiement du progrès fonctionne
grâce à la litote contenue dans l’expression verbale, mais aussi dans
l’association du progrès à la disparition des poules, plus sûrement due à la
famine qu’au nécessité du progrès. Simon aussi s’insurge contre l’idéologie du
progrès qui ne s’embarrasse pourtant pas de la guerre, en parlant des trains
qui mènent au front les soldats dans des conditions insalubres :
[…] la locomotive au soufflet moqueur, le symbole du monde
mécanique et civilisé emmenant avec elle les wagons d’où ils [les soldats]
avaient été extraits en pleine nuit et sous la pluie pour être déposés dans un
endroit dont ils ne savaient même pas le nom (p.240)
L’ironie porte ici sur la mise en relation entre la
prétendue civilisation représentée par la locomotive, et sa fin effective, à
savoir emmener des soldats vers l’inhumanité de la guerre, ainsi que la
désorganisation et la mésinformation complètes qui règnent durant la
mobilisation.
Dans Au cœur
des ténèbres¸ l’entreprise coloniale belge n’est pas la seule victime de
l’écriture, et Marlow lui-même devient victime de l’ironie de Conrad. Ainsi, la
fascination de Marlow face au tableau de Kurtz représentant une femme, les yeux
bandés, tenant une torche[7], apparaît ridicule tant
est évident le symbolisme lui-même ironique du tableau, à savoir une
représentation du progrès, de la raison, des Lumières dans cette femme, mais
qui avance à l’aveugle. De même, lorsque Marlow se demande si le son des
tambours lointains a une « signification aussi profonde que celui des
cloches en pays chrétien » (p.93), on sent poindre l’ironie de Conrad
vis-à-vis du mysticisme de son personnage, puisqu’à part donner l’heure, la
signification des cloches est assez réduite.
Deux solutions se présentent face aux mythes ;
soit les évincer, soit les intégrer, en leur donnant cependant une autre
portée. La deuxième voie est empruntée par les auteurs au programme, au sens où
ceux-ci vont réemployer les mythes pour les inscrire dans le projet littéraire
de l’œuvre, et non plus dans les projets identitaires ou justifiants qu’ils
arborent habituellement. Dans Au cœur des
ténèbres, c’est L’Eneide, et plus
particulièrement le mythe de la catabase d’Enée, dans le livre VI, pour
retrouver son père Anchise, qui est réactualisé et remanié par Conrad. Le
voyage de Marlow est d’emblée placé sous le signe de la verticalité :
« « j’eus l’impression, non pas de partir pour le centre d’un
continent, mais d’être sur le point de me mettre en route pour le centre de la
terre » (p.63). Ce qui est une référence à Jules Vernes, est aussi
glissement d’un déplacement horizontal vers un déplacement vertical,
l’affirmation d’une descente qui est caractéristique de la catabase. Celle-ci
se confirme avec l’allusion, plus tard à l’Inferno
de Dante, et trouve sa réalisation
à la fin du livre, avec l’image de « l’ombre tragique familière » que
constitue la fiancée, comparée à l’image de la maîtresse de Kurtz au Congo,
décrite « tendant des bras bruns et nus au-dessus du fleuve
infernal » (p.329) ; en combinant l’image de l’ombre et celle des
bras tendus, se dessine à l’esprit celle d’Enée, tendant vainement ses bras
vers son père :
Sic memorans, largo fletu simul ora rigabat
Ter conatus ibi collo dare brachia circum,
Ter frustra comprensa manus effugit imago,
Par levibus ventis volucrisque simillima somno. (VI,
699-703)[9]
Il est intéressant de noter que le fantôme d’Anchise
est comparé à un « songe qui s’envole », c’est-à-dire inaccessible,
de même que Marlow comparait son aventure à un rêve[10]. Si, pour Enée, la
catabase est la prise de conscience de l’absence du père et donc de sa nouvelle
responsabilité du peuple romain à venir, elle est également pour Marlow un
moment d’introspection, qui débouche sur la prise en compte de ses propres
ténèbres. Pour le narrateur du Cul de
Judas¸ c’est un mythe national qui est repris pour le vider de sa portée
propagandiste et lui donner une force poétique. Le narrateur, dans le chapitre
Q, reconnaît la nudité de son appartement, mais il la vante car elle permet de
rêver, « un rêve à la manière d’Henri le Navigateur, fait de mers
inconnus » (p.143). Le narrateur se réapproprie la figure mythique du
grand explorateur portugais afin de la convertir en un exemple d’exploration
non plus du monde mais de l’inconscient, du rêve, de la part d’inconnu qui
existe en chacun.
Plus que la réappropriation, les auteurs se livrent
également à l’élaboration de nouveaux mythes, et, plus particulièrement, celui
de la nature, personnifiée et glorifiée chez Simon comme chez Lobo Antunes.
Celle-ci, dans L’Acacia,
entre dans un jeu de contraste avec la vie humaine ; elle engloutit les cadavres
du champ de bataille « avec cette imperturbable et vorace bienséance […]
sans que rien de son ordonnance […] ne s’en trouvât affecté, […] avec cette
même somptueuse indifférence, cette pérennité » qui s’opposent aux
explosions « dérisoires, anecdotiques » (p.42) des hommes. Une
discordance se construit entre d’une part l’éternité de la nature, son
indifférence face aux événements, et, d’autre part, le temps humain,
anecdotique, linéaire, éphémère, ce qui conduit à la disparition du second dans
la première. Plus tard, dans le chapitre X, il est question de la « riante
nature printanière » (p.281) face aux tirs de canon, c’est-à-dire la
continuation et la réalisation de la personnification de la nature comme entité
presque consciente et éternelle, qui se rit de la fragilité et de la faiblesse
humaine. Pareillement, la nature dans Le
Cul de Judas s’oppose à la guerre humaine. Le narrateur dit l’horreur de la
guerre mais
Et cependant, il y avait la quasi immatérielle beauté des
eucalyptus de Ninda ou de Cessa, qui emprisonnaient dans leurs branches une
nuit dense et perpétuelle, la majesté rageuse de la forêt du Chalala qui
résistait aux bombes. (p.136)
Comme chez Simon, la majesté et l’éternité de la
nature, également personnifiée (« majesté rageuse »), s’opposent au
conflit humain anecdotique. C’est aussi une façon pour Lobo Antunes de chanter
l’Angola elle-même et non plus L’Angola portugaise, son paysage et sa richesse,
en-dehors des hommes, plus particulièrement en-dehors des Portugais, et de
montrer ainsi l’auto-suffisance de ce pays.
Face aux
mythes officiels et familiaux, les auteurs au programme sont agressifs :
il s’agit de les exposer pour mieux les contrer, et débarrasser le lecteur,
ainsi que soi-même, de leur caractère pernicieux et falsificateur. Toutefois,
cela ne signifie pas l’abandon du mythe pour autant, et l’œuvre littéraire
offre la possibilité de sauver la réalité en créant de nouveaux mythes, avec
une portée esthétique, philosophique, mais jamais idéologique.
Les références
critiques :
-
« Le
mythe ne nie pas les choses, sa fonction est au contraire d’en parler :
simplement, il les purifie, les innocente, les fonde en nature et en
éternité. » (Roland Barthes, Mythologies)
« […]
nous ne pourrons sauvegarder la littérature que si nous prenons pour tâche de
démystifier notre public » (Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, « Folio
Essais », 1948, p.283.)
[1] Voir la prophétie formulée à
l’égard du narrateur p. de ce livre.
[2] P.70 et p.122 entre autres.
[3] Première partie de la citation p.
de ce livre.
[4] Voir p.
[5] L’analyse que Roland Barthes fait
du film « Continent perdu » est très éclairante pour comprendre les
enjeux de cette vision du narrateur du Cul
de Judas : « Les légendes elles-mêmes, tout ce folklore
« primitif », dont on semble littéralement nous signaler l’étrangeté,
n’ont pour mission que d’illustrer la « Nature » : les rites,
les faits de culture ne sont jamais mis en rapport avec un ordre historique
particulier, avec un statut économique ou social explicite, mais seulement avec
les grandes formes neutres des lieux communs cosmiques (saisons, tempêtes,
mort, etc.) (Roland Barthes, Mythologies,
Paris, Editions du Seuil, 1957, p.154).
[6] Voir aussi, p.119 :
« dites-moi pourquoi les fils de vos ministres et de vos eunuques, de vos
eunuques ministres et de vos ministres eunuques, de vos minieuques et de vos
eunistres, ne viennent pas foutre leur gueule sur ce sable comme nous ».
La colère est si forte qu’elle détruit le langage, les frontières entre les
mots, et vient castrer les dirigeants ayant décidé la guerre sans jamais s’y
risquer. Concernant l’image de la « grenade dégoupillée dans le
cul », il faut convoquer La Nausée
de Sartre, dans laquelle Roquentin fait un rêve où il a « fessé Maurice Barres.
Nous étions trois soldats et l’un de nous avait un trou au milieu de la figure.
Maurice Barrès s'est approché et nous a dit : « C'est bien ! » et il a donné à
chacun un petit bouquet de violettes. « Je ne sais pas où le mettre », a dit le
soldat à la tête trouée. Alors Maurice Barrès a dit : « II faut le mettre au
milieu du trou que vous avez dans la tête. » Le soldat a répondu : « Je vais te
le mettre dans le cul. » » (Jean-Paul Sartre, La Nausée [1938], Œuvres
Romanesques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »,
1981, p.72). Comme Chez Lobo Antunes, il s’agit de retourner les clichés contre
ceux qui les produisent, notamment les mythes guerriers.
[7] P.115
[9] « En parlant ainsi, les
larmes inondaient son visage. Trois fois il voulut serrer son père dans ses
bras ; trois fois l’ombre échappe de ses mains, et trompe sa tendresse, telle
que les vents légers, ou que le songe qui s’envole. »
[10] P.123-125.
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